Le règlement de l'Union Européenne relatif au développement rural a rendu obligatoire la révision des zones défavorisées sur la base de critères biophysiques et climatiques. Ce nouveau zonage, applicable à partir de 2018, exclut quasiment tout le territoire des Deux-Sèvres. Or, ce classement permet aux agriculteurs de bénéficier de l'ICHN. Cette Indemnité Compensatoire de Handicaps Naturels (ICHN) est une aide en faveur des agriculteurs exerçant leur activité dans les zones défavorisées.
Selon le ministère de l'agriculture, cette aide est fondamentale pour le maintien de l’activité agricole, et notamment de l’élevage, dans les zones à handicaps naturels. Elle vise à réduire les différences de revenu qui perdurent entre les agriculteurs des zones défavorisées et ceux du reste du territoire. En permettant le maintien de l’activité agricole, elle participe également à consolider l’activité économique et préserver l’emploi dans ces territoires.
Les représentants agricoles n'arrivant pas a faire entendre leur voix, c'est par les mots que Jacques essaie de faire prendre conscience du malaise des éleveurs. Voici la lettre qu'il a rédigée ...
LES TERRES LES PLUS RICHES CLASSEES EN ZONES DEFAVORISEES ET LES PLUS PAUVRES EXCLUES
Nous habitons un joli petit coin du Poitou, entre la Gâtine et le Bocage, avec ses prés et champs vallonnés, entourés de haies où dépassent souvent quelques rochers de granit, et ses coteaux coiffés d’ajoncs et de genêts.
Au détour d’un chemin, à travers la haie, vous découvrez en Gâtine un troupeau de belles Parthenaises ou de brebis Vendéennes qui ruminent paisiblement, et en Bocage ce seront plutôt des vaches Charolaises et des brebis Rouge de l’Ouest qui paissent dans ce cadre bucolique, et puis là, derrière l’étang, un troupeau de laitières qui rentrent pour la traite. Le matin de bonne heure ou à la tombée de la nuit, vous surprendrez des lapins, un lièvre, deux chevreuils, et même quelques sangliers, parfois un renard, sans compter la diversité des oiseaux qui s’envolent des buissons.
De nombreux randonneurs à pied, à cheval, en vélo, vtt, quad, moto et même moto-cross viennent arpenter les chemins escarpés et parfois les sentiers tracés par les troupeaux de brebis au milieu des prés ombragés et des coteaux avec de jolis points de vue. Et nous sommes heureux de faire partager le charme des paysages qui nous a attaché à cette région, que nous avons su conserver et dont nous avons la charge par notre métier. Nous recevons même, de temps à autres, quelques félicitations.
Mais la médaille a un revers : Lorsque la charrue contourne les rochers de granit et rabote régulièrement sur la roche-mère, le potentiel agronomique de ces sols sablonneux, caillouteux, hétérogènes et séchants ne permet pas facilement de dégager un revenu, d’autant que le morcellement des parcelles et la pluviométrie faible (600 mm au nord à 800 mm au sud) et mal répartie accentuent les difficultés.
Cette zone, avant tout d’élevage et d’éleveurs, souvent sélectionneurs réputés, a été par la force des choses et par le dynamisme et la pugnacité des gens d’ici, une des régions pionnières des élevages « hors-sol» pour pouvoir dégager un revenu décent sur de petites structures.
Et déjà, dans les années 80, une partie de la zone avait été exclue des zones défavorisées pour cette raison-là, alors que les communes ayant des plus grosses structures sans «hors-sol» rentraient dans les critères. Est-ce qu’il serait venu à l’idée d’exclure des zones de montagne les communes qui dégageaient le plus de revenu par le tourisme, notamment autour des stations de ski ? Comment pouvait-on éliminer des zones défavorisées des communes entières sous prétexte qu’un ou deux élevages «hors-sol», une plantation d’arbres fruitiers ou encore une carrière ou une laiterie faisaient monter la moyenne des revenus ? Pour un éleveur ovin en zone dite « de plaine », avec des revenus ovins français moyens régulièrement en bas de tableau, c’était au minimum 1/3 de revenu en moins pour le même travail dans des conditions comparables et pire encore pour un JA. En quelques années, ce fut une hécatombe, plus de quatre éleveurs sur cinq ont dû capituler ou n’ont pas été remplacés. Ceux qui ont résisté n’ont eu d’autres choix que de viser l’agrandissement, la productivité maximale et d’intensifier à la limite du possible, en croisant les doigts les nombreuses années de sécheresse qui coûtent à chaque fois une fortune, comme cette année. Souvent la solution du « hors-sol» complémentaire ou, pour certains, un emploi à l’extérieur a permis de les sauver.
Après 35 ans d’injustice incontestable et incontestée, les zones défavorisées sont enfin revues. De nature optimiste, je m’étais imaginé que les nouveaux critères allaient au moins corriger les erreurs du passé ! Eh bien non, bien au contraire, le clou est enfoncé un peu plus et là, toute la zone d’élevage saute ! Alors que ces zones difficiles, où le coût d’entretien des haies autour des parcelles représente tout simplement le montant de l’ICHN (indemnité compensatrice de handicaps naturels), sans parler des rendements, pour la partie cultivable, inférieurs de moitié à ceux de la plaine de Caen, des plaines de la Marne ou de la Haute-Marne, et j’en passe, qui, elles, rentrent du premier coup dans les nouveaux critères. Quelle a du être leur surprise !
Qui plus est, l’ICHN vient d’être sensiblement revalorisée, notamment par l’intégration de la prime à l’herbe, que va-t-il advenir des 160 000 brebis restantes réparties essentiellement dans ces deux régions des Deux- Sèvres, surtout des éleveurs et leur famille, et des emplois dans toute cette filière ? Et en bovin viande ou lait, leur sort sera-t-il différent compte-tenu du contexte ? La compétitivité a ses limites !!!
Et le comble, c’est que ça ne gène personne, ni dans les ministères, ni les politiques, et dans les sphères parisiennes, à commencer par le Ministre, ils sont satisfaits de leur travail, comme d’habitude ! Pourtant Il suffirait qu’ils prennent leur voiture pour constater, il n’y a pas besoin d’avoir fait des études d’ingénieur, ça saute aux yeux au commun des mortels, et les chambres d’agriculture et les DDT disposent de tous les éléments. D’ailleurs le prix des terres agricoles, ici, est parmi les moins chers de France (inferieur en moyenne sur la zone à 3000 € par hectare et bien inférieur encore en moyenne sur les communes aux sols les plus pauvres) : Tiens, comme c’est bizarre !
Dans plusieurs régions de France des voix s’élèvent pour dénoncer ces aberrations, les mêmes critères provoquant les mêmes effets ailleurs également, évidemment, mais il semble bien que rien ne bouge.
Alors, SVP, Mesdames et Messieurs les politiques, si là vous n’y pouvez rien, vos pleurs sur la détresse des éleveurs français, gardez-les pour vous ! Combien vont encore mettre la clé sous la porte ou même pire parfois ?
Et, la France importera encore davantage d’agneaux Irlandais ou Anglais, en zone défavorisée eux, qui ont la pluie et donc l’herbe toute l’année, plus de lait Hollandais, Allemand ou Danois et même du bœuf Américain s’il le faut. Et, c’est sûr, on va vous croire, ainsi la France ira mieux demain...
INGREMEAU Jacques 79350 CLESSE